mercredi 27 août 2014

Hors de l’UE ou contre l’Union Européenne ?

Article extrait du numéro d’avril 2014 du Deltio Thyellis, bulletin du Réseau pour les Droits Politiques et Sociaux. Ce réseau (« Diktyo »), implanté à Athènes, Thessalonique et Volos, a été créé dans les années 1990 et est actif dans de nombreuses campagnes contre la répression, de soutien aux migrants et réfugiés, et contre l’austérité. Ses principaux cadres sont aujourd’hui membres ou proches de SYRIZA.
Ce texte est un résumé de l’introduction du Diktyo au séminaire sur le mouvement anticapitaliste en Europe, qui s’est tenu lors de l’Alter Summit en juin 2013 à Athènes.

Il ne fait aucun doute que l’UE constitue un mécanisme impérialiste supranational sur le plan politique et économique. C’était clair dès l’époque de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, et par la suite, de la CEE (il s’agissait d’une entreprise d’intégration capitaliste à caractère offensif). Aujourd’hui toutefois, à l’heure de l’ « hégémonie allemande », la consolidation du « totalitarisme démocratique » néolibéral, avec la transformation de la démocratie parlementaire en « démocratie gouvernementale » au niveau national et l’existence du centre autocratique de la Commission Européenne au niveau international, ainsi que l’attitude agressive de l’UE envers le reste de la planète (protectionnisme européen, brevets, surexploitation et pillage de pays et de régions dans et hors du territoire européen, exclusion sociale des immigré-e-s avec progression constante du racisme et du fascisme, militarisation complète de ses frontières orientales et méridionales et participation énergique de troupes européennes aux invasions impérialistes ect…), montrent de façon criante que non seulement l’UE n’a jamais été « la maison des peuples », mais qu’il est impossible de la réformer pour la démocratiser, pour qu’elle « abrite » une autre politique favorable aux peuples et aux travailleurs. Nous souhaitons qu’une telle politique puisse régner en Europe, toutefois elle n’aura pas pour « véhicule » l’UE, mais une communauté internationale des peuples libres et des pays solidaires.

Dans ce sens, nous pensons que la seule stratégie dont doivent se doter la gauche radicale et le mouvement social est la convergence internationale des luttes contre l’UE, pour sa dissolution dans la perspective d’une communauté des peuples. Ceci ne peut bien entendu être le produit d’une marche droite et simultanée de tous les pays d’Europe, la lutte des classes et les antagonismes sociaux connaissent des rythmes différents en fonction des endroits – les étincelles proviennent de différents points, le feu peut prendre quelque part et s’étendre éventuellement ensuite… Ceci veut dire que les évolutions politiques et sociales dans un pays peuvent conduire à une rupture complète avec l’UE, et donc à sa sortie et/ou son exclusion de celle-ci – et bien plus probablement de la zone Euro. Mais la différence entre l’ « anti-européisme » anticapitaliste et internationaliste et l’ « euroscepticisme » nationaliste de droite réside exactement en ceci : le premier jette les bases sur le plan local et international des conditions de la transition anticapitaliste dans son pays et de la rupture avec l’UE, de façon à ce que l’étincelle se transmette aux autres pays, là où le second vise, à travers la rupture des liens avec l’UE, à maintenir son Etat national sans remettre en cause le régime existant. C’est une différence fondamentale, et c’est pourquoi nous visons une dissolution de l’UE « par la gauche », et souhaitons qu’une dissolution « par la droite » ne se réalise jamais – nous n’oublions pas que les deux guerres mondiales ont débuté sur le Vieux Continent.

Il existe bien sûr des forces de gauche (fortes en Grèce, car des valeurs comme la souveraineté populaire et l’indépendance nationale sont rudement mises en cause en ces années de mémorandums, mais aussi en raison des importantes traditions social-patriotiques de la gauche grecque) qui font de la rupture des liens avec l’UE une stratégie prioritaire dans la radicalisation des classes dominées et la rupture avec le système capitaliste. En aucun cas nous n’identifions ces forces aux nationalistes  « eurosceptiques », mais nous considérons leurs positions comme sérieusement erronées. En « plaçant la charrue avant les bœufs » ils cultivent dans certaines fractions du monde du travail les illusions selon lesquelles par la sortie de l’UE et le retour à la monnaie nationale on pourrait sortir de l’ouragan des mémorandums, ce qui tend à effacer les démarcations d’avec le nationalisme « antimémorandaire » de droite – et d’extrême-droite. Et parallèlement, en élevant le désengagement de l’UE au rang de stratégie, ils réduisent les possibilités de collaboration au niveau des luttes sociales avec les secteurs qui ne partagent pas l’idée de sortie de l’UE tout en étant contre « l’Europe du capital, du racisme et de la guerre ».

Selon nous, une politique anticapitaliste internationaliste contre l’UE signifie en premier lieu :
  • La convergence des luttes et des mouvements au niveau européen dans le plus grand nombre de domaines possibles (syndicalisme, immigration, biens publics, environnement, répression etc.)
  • Solidarité pratique avec les peuples, dans et hors des frontières européennes, qui souffrent de l’impérialisme économique, politique et militaire européen.
  • Coopération régionale (l’Europe du sud ou, plus exactement, le bassin méditerranéen serait un des espaces de cette collaboration) entre mouvements, mais aussi entre Etats si cela rend possible la coordination des résistances contre l’absolutisme néolibéral de l’UE et de ses principaux Etats. Initiatives pratiques d’échanges (dans des conditions favorables) de produits, et institution de monnaies régionales à usages précis.
  • Et naturellement, intensification de la lutte dans nos propres pays pour notre libération des gouvernements néolibéraux, condition nécessaire à la dissolution de l’UE, pour une Europe de la solidarité, de l’égalité et de la liberté.