dimanche 24 mars 2013

Déclaration de l’OKDE-Spartakos sur les évolutions en cours à Chypre





Communiqué  publié le 21 mars sur le site de l'organisation. L'OKDE (Organisation des Communistes Internationalistes de Grèce), est la section grecque de la IVème Internationale, et est membre d'ANTARSYA.



Le vote du Parlement chypriote contre le plan de coupe dans les dépôts a des implications sérieuses pour le plan capitaliste de gestion de la crise du côté de l’UE et de l’Eurogroup.

Mais en aucun cas le danger ne s’est éloigné pour les travailleurs et travailleuses chypriotes. La classe dirigeante chypriote-grecque s’est trouvée par sa propre responsabilité entre les Symplégades, entre le chantage de la Troïka et le chantage de la Russie qui revendique « la terre et l’eau ». Soit au nom de la stabilité de l’Euro, soit au nom des dépôts des oligarques russes, les travailleurs et les travailleuses vont probablement être appelés à payer la faillite des banques chypriotes et du « modèle de développement chypriote », sacrifiant les droits, les salaires et les retraites et hypothéquant les richesses naturelles et énergétiques du pays à leurs prêteurs et aux géants énergétiques capitalistes.

Nous n’avons aucune raison de regretter cette évolution car :
  1. Le plan est réactionnaire et injuste, car il ne s’en prend pas au grand capital et aux grands revenus, mais fait reposer le poids de la crise sur toutes les classes et groupes sociaux. Ils ne sont pas tous des détenteurs de comptes capitalistes, tous ne sont pas responsables de la crise. Des dépôts même relativement importants peuvent provenir non d’activités capitalistes, mais de revenus du travail – par exemple les pensions individuelles.
  2. Le plan est profondément un plan de classe, car il n’équivaut pas à une sorte de redistribution des richesses envers les couches pauvres de la société, mais à un transfert direct de valeur pour le sauvetage des banques, c’est-à-dire en faveur du capital bancaire. En réalité, l’Eurogroup dans le cadre de l’union monétaire met en œuvre la socialisation des pertes, en imposant les travailleurs et en augmentant la dette publique au profit des banquiers.
  3. La zone euro et l’UE sont structurellement opposées aux intérêts des travailleurs et structurellement imbriquées aux intérêts du capital grec. La déstabilisation de l’ennemi nous arrange - l’attachement de Tsipras et de l’AKEL à l’euro est totalement hors de propos.
Nous n’avons pour autant aucune raison de considérer le refus du plan par le Parlement chypriote comme une victoire des travailleurs à Chypre ou en Grèce. Il ne s’agit nullement d’un « non héroïque » du « peuple chypriote », car :
  1. Le « peuple » de Chypre ne comprend pas seulement des travailleurs et des opprimés, mais aussi des employeurs, l’Eglise, des banquiers et des patrons qui tentent de faire la loi dans toute la méditerranée orientale. Le gouvernement Anastassiadis et les partis bourgeois qui ont voté contre le plan ne représentent le « peuple » en général, mais ces couches bourgeoises et leurs intérêts, elles aussi frappées par le plan et qui sont menacées par un effondrement de la crédibilité et de la confiance financière, et donc du système bancaire.
  2. La réponse « anti-impérialiste » du Parlement Chypriote à l’Eurogroup présente aussi un autre aspect : la pression du capital local, mais aussi d’autres agents tout aussi capitalistes et impérialistes que l’UE – la Russie, les compagnies offshore, les épargnants internationaux. Le plan n’a pas été contrecarré uniquement par les mouvements de masse, aussi bienvenue que soit la montée de la combattivité de la classe ouvrière à Chypre, mais aussi par la pression de ces intérêts.
  3. Le Parlement chypriote, avant de rejeter les coupes dans les dépôts, n’a eu aucun problème à voter 32 loi mémorandaires, proposées le gouvernement de « gauche » de l’AKEL, qui cette fois a pensé à demander un référendum. Il est évident que si le mouvement n’oppose pas une résistance massive, le gouvernement Anastassiadis fera passer sans tarder de nouvelles mesures (davantage de coupes dans les salaires et les pensions, la réduction des dépenses publiques et des prestations sociales), probablement plus injustes et avec un caractère de classe plus marqué que les saisies dans les comptes. Et par dessus tout, toute la direction politique tente de mettre la main sur les trois milliards d’euros de réserve des fonds d’assurance.
  4. Le rôle sordide du système bancaire chypriote est connu. Les travailleurs de toute l’île, nord et sud, n’ont aucun intérêt à sauver ce système d’argent sale et de « paradis fiscal », lequel est en réalité en faillite et pour cela incapable de couvrir les dépôts. Une solution dans le sens des intérêts des travailleurs doit commencer avant toute chose par la revendication de la nationalisation des banques sans compensation dans un service public bancaire unique sous contrôle ouvrier, combiné à l’annulation unilatérale de la dette et de la nationalisation du commerce extérieur, revendications menant objectivement à la rupture avec l’UE et la zone euro.  

C’est une erreur tragique pour la gauche que de célébrer la dignité nationale et la détermination du gouvernement chypriote et du parlement. Ceux-là ne parlent qu’une langue, la langue du capital et de la finance.
Les travailleurs et les travailleuses, au nord et au sud de Chypre, comme leurs homologues dans les autres pays, n’ont rien à attendre de partis bourgeois soi-disant anti-impérialistes et de leurs alliés internationaux. Aucune lutte commune, ni avec Anastassiadis, les grands détenteurs de comptes et Poutine, ni avec l’UE et Samaras. Tout ce que les travailleurs et les travailleuses gagneront, ils le gagneront par leur propre action indépendante.

OKDE-Spartakos
21/03/2013